L’esprit Montessori, ça veut dire quoi ?


Maria Montessori, médecin et pédagogue italienne, a porté sur les tout-petits un regard passionnant. Un siècle après, son approche peut nous guider, nous, parents d’aujourd’hui, dans l’accompagnement de nos enfants, à la maison.

Un parent qui reste en retrait

Odile Anot, éducatrice de jeunes enfants, coordinatrice d’un centre Nascita Montessori*, vient de consacrer un livre entier à ce sujet. Se plonger dans une démarche Montessori, explique-t-elle, “permettra au parent d’occuper sa juste place en tant qu’adulte”.
Et sa juste place, c’est une place… secondaire. Secondaire parce que l’enfant est habité par un élan de vie qui le porte à se développer par lui-même. Ainsi, c’est bien lui qui, à son initiative, se met à marcher, à parler, à se passer de couches.
Cela ne veut pas dire qu’il doit être livré à lui-même, mais que ce n’est pas à nous, parents, de l’animer, comme on animerait une marionnette. Non, notre rôle, c’est d’accompagner cet élan de vie.Comprendre cela, c’est très reposant !” sourit Odile Anot.
* Les centres Nascita sont des lieux créés par Maria Montessori pour recevoir les parents et les enfants. Le nom a depuis été repris en France. Odile Anot a publié “Montessori au cœur de la vie de famille” (Dunod 2018). Un livre très complet, dense et foisonnant d’informations.

Un parent qui observe

Plus que des objets et du matériel, l’esprit Montessori exige une attitude.
Au lieu d’être un obstacle, invite Odile Anot, le parent doit être une aide à la vie de l’enfant.
Quoi ? Nous serions des obstacles ? Jamais !
Si, si… rappelez-vous ces matins où, alors que notre petit s’engageait dans l’ascension de l’escalier du parc, on lui a dit : “Attention, tu vas tomber, je te porte !” Et cette autre fois où, tout fier, il s’apprêtait à vider son pot lui-même dans la cuvette des toilettes, quand on s’est précipité : “Ouh là, c’est sale ! Tu vas en mettre partout !”
Dans ces moments-là, sous prétexte d’efficacité, nous sommes des obstacles à leur désir de grandir.

Pour éviter ces petits ratés, nous disposons d’une grande force : l’observation.

Observons notre enfant : ses gestes, ses pleurs, ses rires, ses joies, ses moments de concentration…

Plus nous serons réellement attentifs à lui, à ses besoins, à ce qu’il ressent, et “ajustés” à lui, plus nous “serons Montessori”. Odile Anot utilise pour cela une jolie expression. Il s’agit d’“être à l’école de son enfant”. La question n’est donc pas “Que dois-je faire ?”, mais “Que dois-je rendre possible ?”

Un parent qui rend possible

Jamais ma maison ne pourra ressembler à une école Montessori !
Il n’est pas indispensable d’avoir un matériel spécifique. Ce qui compte, c’est donner à l’enfant l’occasion d’explorer le monde de tous ses sens et de tout son corps, tout en se sentant en sécurité.
Ce qu’on peut résumer par : “Faire tout seul sans être seul.” En particulier, en utilisant les outils de l’intelligence : ses deux mains et ses dix doigts. À travers eux, les muscles, la pensée, la volonté et la concentration de l’enfant sont au travail.

À nous aussi de repérer et d’accompagner ses prises d’initiative. Les ciseaux le passionnent ? Procurons-lui des imprimés publicitaires ou des magazines, et une corbeille à papier !

Un parent qui prend le temps

Face à un enfant qui manifeste une colère ou un chagrin, tenter de le comprendre demande plus de temps que de lui donner sa tétine ou le placer devant une tablette. Mais c’est “perdre” du temps pour en gagner. Car se sentir écouté puis compris apportera à l’enfant, comme aux parents, de l’apaisement. Entendre son parent dire : “Tu as raison ! Je n’ai pas vu que tu avais grandi et que tu voulais maintenant remplir ton bol tout seul”, c’est une forme de libération !

Montessori à la maison

L’enfant est avide d’activités “vraies”, qui ont un sens dans son quotidien. C’est ce qui explique son désir de participer aux tâches de la maison : couper des légumes (avec un vrai couteau, oui oui !), ranger les courses, assembler les chaussettes…
Les objets de la vie quotidienne le passionnent : bassines, éponges, boîtes, étendoir… Pour lui, on décompose les gestes : j’essore l’éponge, je la fais glisser sur l’eau, puis je l’essore à nouveau. Parfois, il faudra légèrement adapter le mobilier : un marchepied pour être à la hauteur du plan de travail, des étagères basses pour accéder au matériel… Et c’est parti pour trier, transvaser, découper !
“Le trop d’objets affaiblit, retarde le progrès”, constate Maria Montessori (Pédagogie scientifique, tome 2).
Elle conseille, pour les tout-petits, de ne proposer qu’un seul objet à la fois. En observant l’intérêt de l’enfant, mieux vaut placer en évidence sur son étagère un objet à manipuler – à remplacer lorsque l’intérêt faiblit – plutôt qu’une caisse contenant un pêle-mêle d’objets.
À cet âge-là, les repères, les rituels et la répétition sont importants. Ils aiment l’ordre ! D’où leur passion pour le tri… et le rangement (hélas, cela n’a malheureusement qu’un temps !) •Être dehors, c’est passionnant. Peu importe le but de la promenade, c’est le chemin qui compte. Il faut “considérer l’enfant qui se promène comme un explorateur”, note Maria Montessori. Il s’accroupit, tripote, repart, s’assoit, revient en arrière…

Mettons-nous à son rythme et à sa hauteur !

«L’esprit Montessori – “Faire seul, près de toi”», supplément pour les parents du magazine Popi, mars 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Séverine Assous.